Nastassja Martin, Croire aux fauves

Du compte-rendu à l’analyse, L’or des livres (rédigé par Emmanuelle Caminade) est un blog de critique littéraire qui s’intéresse à la qualité et à la singularité des livres sans tenir compte de leur médiatisation. Il ne se limite pas à l’actualité, même s’il privilégie les auteurs contemporains.


Cette note de lecture a été publiée en janvier 2020


Nastassja Martin, fascinée par la vie sauvage et ressentant fort l’appel de la forêt et des grandes étendues, s’est vite orientée vers l’anthropologie, seule discipline à lui ouvrir «la possibilité d’un avenir». Elle a travaillé des années dans «un grand Nord bouleversé par des mutations profondes», d’abord en Alaska puis au Kamtchatka (1), étudiant ces peuples autochtones de l’Arctique et de l’Extrême-Orient russe, recueillant leurs coutumes et leurs légendes et travaillant notamment sur l’animisme et les chamans, sur les relations entre les êtres humains et les non humains. Et elle a beaucoup écrit «autour des confins, de la marge, de la liminarité (2), de la zone frontière, de l’entre-deux-mondes».

1)https://fr.wikipedia.org/wiki/Kamtchatka

2)https://fr.wikipedia.org/wiki/Liminarit%C3%A9

Partageant la vie d’une famille évène (3) loin des villages et de leur confort relatif, elle fut, lors d’une expédition à la fin de l’été 2015, grièvement blessée par un ours tandis qu’elle redescendait seule les pentes du volcan Klioutchevskoï. La mâchoire en partie arrachée, elle réussit néanmoins à mettre l’ours en fuite en lui plantant son piolet dans le corps. Et, défigurée, elle finit par guérir après le calvaire de multiples opérations et infections. Un accident qui bouleversa sa vie, lui faisant perdre sa place et rechercher «un entre-deux. Un lieu où se reconstituer». Un accident qu’elle voit plus comme une rencontre :
«Un ours et une femme se rencontrent et les frontières entre les mondes implosent puisque nous revenons de l’impossible qui a eu lieu».
Une rencontre du «domaine de l’indicible», échappant à l’explication, qui «[la] déborde» comme les rêves. Une rencontre pour elle non fortuite car «rien n’arrive par hasard et les trajectoires de vie se croisent toujours pour des raisons précises», car il n’y a pas de coïncidences, seulement des «résonances».

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