Avril Bénard / À ceux qui ont tout perdu

Éditions des instants, 2023

Une lecture d’Igolène.


Je me suis engagée dans la lecture de ce livre avec intérêt tellement le sujet colle avec l’actualité. De l’Ukraine à la Bande de Gaza en passant par l’Iran ou l’Afghanistan, l’exode est une réalité du monde d’aujourd’hui, le nôtre.

J’ai été tout de suite conquise par l’intemporalité du texte offert : ces femmes et ces hommes qui doivent juste tout laisser et partir, ils ne sont nulle part, ce qui fait qu’ils sont vite partout et on est dans une universalité évidente qui pour moi rend la chose encore plus grave.

Le choix de l’autrice de mettre en scène des gens ordinaires qui emportent avec eux des petits riens fait que j’ai tout de suite côtoyé des héros et des trésors, sans jamais être invitée à la pitié ni à l’admiration, simplement au partage. La grandeur de ces personnes, c’est leur fragilité, leur lucidité ; personne ne fait de prouesse, aucun des personnages n’est passif, mais tous, qu’il s’agisse de ceux qui doivent fuir ou des soldats qui conduisent cette fuite, savent faire le choix juste qui, lui est admirable.

Dans le drame que vivent ces êtres sous nos yeux, il n’y a plus de bons ni de méchants, ce n’est plus l’heure d’accuser, c’est juste l’heure de continuer à vivre, si on peut, et j’ai lu au fond de chaque personnage une petite flamme d’espoir qui fait dire que la vie reste peut-être possible. Et ce livre, loin de n’être que le récit d’un drame, devient un hymne à la vie, même si elle vacille.

Tout est sobre, y compris (et surtout) l’écriture : concise, précise, sans fioriture. Cette écriture donne à ce qui est dit une intensité, un poids qui ne peut pas laisser le lecteur indifférent. L’émotion est partout, mais ce n’est pas une émotion pleurnicharde, c’est une émotion grave, assumée, qui regarde vers ce qu’il reste de futur possible. Le secret de cette écriture est pour moi la force poétique qui l’anime et sa capacité à dépasser l’instant pour parler de la vie en général.

En d’autres termes, j’ai lu là un Grand livre.

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