Ma Tempête, Éric Pessan

Lecture d’Evelyne Sagnes

Ma Tempête, Un texte qui aborde de manière singulière le théâtre et n’en est que plus convaincant, et aussi émouvant.
Éditions Aux Forges de Vulcain, août 2023.


C’est en effet un texte étonnant qui tisse l’intime avec l’univers du théâtre : un père, par ailleurs metteur en scène, et sa fille, une pièce, La Tempête de Shakespeare. Un huis-clos.
L’histoire ? Un homme vient de voir échouer son projet de  monter la pièce de Shakespeare. Il est chez lui et s’occupe de sa fille Miranda, car la crèche est fermée. Sa femme, Anne, travaille et elle est absente. Et dehors, un orage…  Dans ce contexte, Il décide de « mettre en scène » La Tempête pour (et avec) sa fille. Tous les personnages de Shakespeare apparaissent dans le quotidien de l’enfant, ses jouets eux-mêmes entrent dans le jeu. Le texte fait irruption dans la vie réelle, et rien ne paraît incongru.

En fait il y a au moins quatre tempêtes dans ce livre !  Le texte de Shakespeare, la mise en scène qu’en fait le père –  et en ce sens le texte de Shakespeare devient le sien -, les turbulences de la vie familiale  dues pour une part aux échecs du père, et la tempête, très concrète, à l’extérieur. Le titre est gros de toutes ces interprétations..
Et c’est le théâtre qui les fait converger toutes, dans une unité d’action, de temps et de lieu bien sûr…

C’est en entremêlant tous ces fils qu’Éric Pessan aborde des questions essentielles : la transmission de l’amour du théâtre d’un père à sa fille, la réflexion sur le théâtre lui-même : quels rapports entretient-on avec un texte ? Qu’est-ce que mettre en scène ? Quelle relation avec le public ? C’est enfin aussi un regard lucide sur la condition souvent difficile des artistes dont les projets ne peuvent se réaliser faute de moyens et les répercussions que ces déboires ont sur leur vie affective et sociale.

Les dernières lignes du livre sont une très belle conclusion que chacun pourra interpréter :
« Des pas sur le palier, Anne arrive. […]
Elle va demander au père et à l’enfant s’ils se sont ennuyés.
Elle voudra savoir s’ils ont fait quelque chose de particulier ?
Et le père et l’enfant répondent ensemble.

Rien.
On n’en a rien fait aujourd’hui.

On a laissé passer la tempête.
Comme de vos crimes vous serez pardonné,
Laissez votre indulgence me libérer. »

Un texte qui aborde de manière singulière le théâtre et n’en est que plus convaincant, et aussi émouvant.

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