Mathias Enard, Le Banquet annuel de la Confrérie des Fossoyeurs

Du compte-rendu à l’analyse, L’or des livres (rédigé par Emmanuelle Caminade) est un blog de critique littéraire qui s’intéresse à la qualité et à la singularité des livres sans tenir compte de leur médiatisation. Il ne se limite pas à l’actualité, même s’il privilégie les auteurs contemporains.

Mathias Enard se renouvelle toujours à chaque livre et son septième roman Le Banquet annuel de la Confrérie des Fossoyeurs ne laisse pas de nous surprendre, à commencer par son titre.

C’est un ouvrage jubilatoire dont la drôlerie et la vitalité supplantent la mélancolie dans une débauche d’humour et d’érudition, de fantaisie et de poésie. Un foisonnant et cocasse roman rural plongeant dans la campagne d’aujourd’hui, dans cette plaine niortaise jouxtant le marais poitevin chère à l’auteur,  qui réussit à embrasser à partir de ce « mouchoir de poche » toute cette matière de France constituant notre patrimoine, mêlant culture savante et populaire, petites histoires et grande histoire.
Ethnographe débutant, David Mazon a obtenu, afin de terminer sa thèse, une bourse de six mois pour enquêter sur le terrain et « comprendre ce que signifie vivre à la campagne aujourd’hui« . Laissant sa compagne Lara dans la capitale, ce jeune intellectuel parisien va s’installer dans le modeste et fictif village « deux-sèvrain » de La Pierre-Saint-Christophe, pensant que « cette région pouvait être représentative des enjeux actuels de la ruralité« . Et il va louer à Mathilde et Gary – son fidèle mari secrétaire de l’amicale des chasseurs -, un logement sommaire dans leur ferme qu’avec une sincérité désarmante non dénuée de prétention il baptise « La Pensée sauvage » (un clin d’oeil à La Pensée sauvage de Lévi-Strauss dont le roman partage la vision universaliste (peu de choses séparant pour le célèbre anthropologue la pensée « sauvage » de celle du « civilisé »…).

L’intrigue qui se déroule sur un an et demi nous est racontée de deux points de vue narratifs différents : par le biais du héros rédigeant à la première personne et au présent un journal tenu chaque jour au début (puis comportant de gros trous), ainsi que par un narrateur omniscient s’exprimant au passé et se focalisant tour à tour sur le héros et les autres protagonistes. Et un complexe dispositif narratif reflète une grande variété et mixité tant littéraires que langagières.

Sept grandes parties aux titres éclectiques épousent en effet des genres divers, les deux parties extrêmes reproduisant le journal du héros tandis qu’au sein des autres sont imbriqués des discours, récits, contes ou poèmes, certains passages étant traités sur le mode théâtral ou agencés en forme de liste … Et, entre chacune d’elles, l’auteur introduit des sortes d’intermèdes : des chansons de la tradition orale française que, les rattachant au territoire investi par son héros, il a transformées en courtes nouvelles.

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