Mélanie Claux a été fascinée par les émissions de téléréalité dès leur apparition aux débuts des années 2000, elle avait même tenté sa chance sans succès à l’époque, elle avait alors 17 ans. Devenue adulte et jeune maman de Sammy elle remplit le vide de sa vie avec Facebook où elle entre en contact avec d’autres mamans. Pour combler son ennui, sa solitude et assouvir son besoin d’exister, d’être aimée, elle qui a toujours senti que ses parents préféraient sa sœur, va se prendre au jeu des réseaux sociaux où elle voit des gens afficher leur éternel bonheur. Elle décide d’exister comme une super maman, de donner l’image de la maman parfaite. Elle exhibe ses enfants du matin au soir sur son compte Instagram « Mélanie Dream », elle y raconte leur journée à travers des stories dans une sorte de téléréalité familiale autogérée. » Mélanie voulait être regardée, suivie, aimée. »
Lorsque sa fille Kimmy a eu deux ans elle a aussi créé une chaîne familiale sur YouTube « Happy Récré » qui, au bout de 4 ans, est suivie par cinq millions d’abonnés « Il lui semblait avoir trouvé une place dans le monde, un endroit pour exister… elle rêvait d’un monde de solidarité et d’échanges. Un monde dont elle serait la reine. » Les enfants, filmés en permanence, lancent des défis, des jeux et surtout pratiquent le Unboxing, l’ouverture de paquets, leur mère excelle dans le placement de produits, chaque geste est calculé, les marques les inondent de produits dont ils font la promotion. Mélanie a fait de ses enfants des influenceurs. L’appartement est envahi de jouets que les enfants n’ont même pas eu le temps de désirer. Devenus des stars de YouTube ils signent des autographes lors de meet-up, « Happy Récré était leur vie « . Le mari de Mélanie quitte son travail pouraider sa femme, la famille entière vit des revenus du travail de leurs enfants.
Clara Roussel a vécu dans un monde complètement opposé. Petite comme une enfant, cette fille de profs militants a été élevée d’une toute autre façon, déconnectée du numérique et du consumérisme à outrance. Solitaire, elle se sent souvent décalée, inadaptée. Elle est devenue procédurière à la brigade criminelle, son métier consiste à consigner scrupuleusement toutes les étapes des enquêtes. Elle n’a pas d’enfant par choix. » Elle est cette femme fébrile, cette femme à la mélancolie inavouée qui ne parvient plus à suivre le mouvement général. »