Grégoire Delacourt, Un jour viendra, couleur d’orange

Une lecture d’Igolène, lectrice manosquine.
Ce roman fait partie de la sélection du
Prix des médiathèques (DLVA, Durance, Luberon, Verdon Agglomération ) « Une terre, un ailleurs »


Éditions Grasset, 2020


Tout commence sur un rond-point de la France profonde, chez ces « Français d’en-bas qui étaient restés en- bas, les Français d’en-haut ne les regardaient pas ». Ce sont « des hommes et des femmes qui retrouvaient, même pour une heure, leur naïveté d’enfance, la seule chose qui pouvait changer le monde ». Sur le rond-point, c’est à la fois amitié, désillusion, solidarité et violence. Un comportement que ne dicte que l’impulsivité de chacun. Quand on veut brûler une voiture, on la choisit au hasard. Quelques-uns « montent » à Paris le samedi, mais la violence les démonte.
C’est dans cette France de « petite misère ordinaire », que vivent Pierre, magasinier chez Auchan, gilet jaune hyper-actif et Louise, infirmière en soins palliatifs. Geoffroy, leur fils, se révèle être un enfant pas tout à fait comme les autres. Il est le bouc émissaire des copains de son école, mais un jour une petite fille lui prend la main. C’est Djamila, elle est arabe.
Le récit accompagne tous ces personnages, chacun dans son cercle, et l’on traverse tout plein de questions sociétales fondamentales, depuis la violence conjugale jusqu’à la situation des femmes musulmanes, en passant par les violences des émeutes de rues les samedis matins des Gilets Jaunes et l’accompagnement de la mort à l’hôpital de Louise.
Autant de tendresse et d’amour que de violence et de haine.
Une écriture sans fioriture, doute et percutante, comme la vie contée.
Au final, l’espoir que chante le titre emprunté à Louis Aragon et Jean Ferrat.


Écouter Jean Ferrat ici.

UN JOUR UN JOUR – poème de Louis Aragon

Tout ce que l’homme fut de grand et de sublime
Sa protestation ses chants et ses héros
Au-dessus de ce corps et contre ses bourreaux
A Grenade aujourd’hui surgit devant le crime

Et cette bouche absente et Lorca qui s’est tu
Emplissant tout à coup l’univers de silence
Contre les violents tourne la violence
Dieu le fracas que fait un poète qu’on tue

Un jour pourtant un jour viendra couleur d’orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

Ah je désespérais de mes frères sauvages
Je voyais je voyais l’avenir à genoux
La Bête triomphante et la pierre sur nous
Et le feu des soldats porté sur nos rivages

Quoi toujours ce serait par atroce marché
Un partage incessant que se font de la terre
Entre eux ces assassins que craignent les panthères
Et dont tremble un poignard quand leur main l’a touché

Un jour pourtant un jour viendra couleur d’orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

Quoi toujours ce serait la guerre la querelle
Des manières de rois et des fronts prosternés
Et l’enfant de la femme inutilement né
Les blés déchiquetés toujours des sauterelles

Quoi les bagnes toujours et la chair sous la roue
Le massacre toujours justifié d’idoles
Aux cadavres jeté ce manteau de paroles
Le bâillon pour la bouche et pour la main le clou

Un jour pourtant un jour viendra couleur d’orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche

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