Une lettre de Julie Moulin, à plus de 10 000 km d’ici…
Un interview de Julie réalisée par Dan Burcea, Lettres capitales, ici.
Julie Moulin a publié :
Jupe et pantalon, Alma Editeur, 2016. Présentation ici
Domovoï, Alma Editeur, 2019. Présentation ici.
L’altitude des orties, Collectif, Cousu Mouche, 2020. Présentation ici.
Voici donc sa lettre à Désirdelire et à tous les désireux et désireuses de lire !
Décembre 2020
Chers désireux et désireuses de lire,
Chers dévoreurs et dévoreuses de livres,
Chers lecteurs et lectrices de désirs d’écrire,
Je ferai court. Car en ce moment, j’écris.
Lors du premier confinement, je me suis spontanément tournée vers ma communauté : famille, amis, voisins, amis d’amis, relations, tous amoureux des mots. Je leur ai proposé de maintenir, voire de créer un lien entre eux grâce à l’écriture, d’écrouler par l’échange de textes les murs et les frontières qui nous séparaient. Puisque j’animais depuis six ans des ateliers dans diverses institutions, j’ai poursuivi, gratuitement, cette activité en ligne, avec ouverture au plus grand nombre. Je pense en avoir retiré un bénéfice humain aussi fort que la soixantaine de personnes qui ont rejoint, pendant deux mois, cette initiative. Pendant ce temps, je n’ai pas écrit. Si, des réponses à des interviews, parce qu’il faut bien quelques fois montrer sa caboche, que l’on ne m’oublie pas, qu’on me découvre tout bêtement, et peut-être même qu’on finisse par lire mes livres (qu’on les emprunte en bibliothèque, qu’on les achète ou qu’on les offre).
De Singapour où j’ai déménagé cet été, dans l’urgence et l’incertitude jusqu’au dernier mois, je suis seulement témoin de votre deuxième confinement. Le monde que j’habite est encore trop neuf pour que j’écrive dessus. Pour l’instant, avec la distance que permet l’expatriation, je vois surtout entre nos deux pays, un remake de La cigale et la fourmi. Je reviendrais plus tard dessus. Pour l’instant, j’ai décidé de ne plus répondre à aucune sollicitation, de me concentrer sur mon travail d’écriture, d’éloigner tout ce qui serait œuvre gratuite et dispersion de mes efforts. Je vous écris pourtant. Pour témoigner peut-être du statut des auteurs et autrices, de ce monde de la culture dont on a tant besoin en période de crise, que l’on sollicite parce que l’on a faim de mots, les mots, cette nourriture de l’esprit, quand ceux et celles qui les produisent n’ont plus rien à bouffer. J’ai la chance d’avoir un appoint financier. C’est rarement le cas dans ce milieu.
À l’approche de Noël, je vous remercie d’avoir le désir de lire mon désir d’écrire. Grâce à vous, peut-être, des lecteurs et des lectrices se procureront, en librairie, les textes d’auteurs et d’autrices souvent peu connus du grand public. Ils participeront à leur constituer un salaire. Un jour, des libraires pourront de nouveau les inviter à présenter leur travail, avec sur la table devant eux, devant vous, des exemplaires de nos romans.
Bonne lecture, chers compatriotes en littérature,
Julie Moulin