Isabelle Flaten, Triste Boomer

Les livres d’Isabelle Flaten se suivent et ne se ressemblent pas… Pourtant on reconnaît immédiatement son écriture, piquante, drôle, affûtée et en même temps pleine de tendresse pour ses personnages.  Un équilibre que l’autrice tient tout au long du texte.

Faut-il vous rappeler ce qu’un « boomer » ? Une personne née en Occident pendant la période du baby boom, après la Seconde Guerre mondiale, entre 1945 et 1960. » Mais ne serait-ce pas justement la génération d’Isabelle ?
La voici donc à la fois dedans et dehors : un tour de force ! Elle ne raconte pas pour autant sa vie, rien d’autobiographique (à la différence de son précédent livre, La folie de ma mère) mais elle regarde l’époque, la sienne, la nôtre, avec lucidité et débusque ses travers avec un humour dévastateur (selon l’expression consacrée et donc cliché, qu’Isabelle n’emploierait donc pas !).

L’autrice surprend aussi le lecteur par les choix narratifs qu’elle fait : puisque le numérique est partout et qu’on ne peut vivre sans son ordinateur, pourquoi ne pas en faire un personnage à part entière ? Et d’adopter son langage d’ordinateur ! Puisqu’il est narrateur et qu’il parle à John, son propriétaire. Cela donne évidemment des passages très drôles où le lexique du numérique avec lequel jongle Isabelle,  se frotte  tout à coup aux sentiments et à la vie intime.

Au fait, qui est ce John ? Le personnage principal, triste boomer… Un bon bout de vie derrière lui, et le voici qui se replonge dans le passé (grâce aux fichiers dans son ordinateur, évidemment), à la recherche de quelques femmes qu’il a croisées, aimées, abandonnées (ou qui l’ont abandonné). C’est ainsi qu’il va retrouver Salomé.

Et les choses se corsent, parce que cette Salomé est depuis leur aventure devenue duchesse , veuve du duc Edmond de Chassaigne de La Ferrière et elle vit dans un château… Où un tableau représentant l’un des ancêtres (relégué loin de la galerie officielle pour cause de « dépravation ») est lui aussi doué de pensée et tente de faire entendre raison à la duchesse qu’il voit se lancer dans des entreprises loin de la tradition. John et Salomé se retrouveront-ils ?
Deux mondes se télescopent et l’autrice s’amuse à les confronter.
S’amuse ? Oui et non, parce qu’au fond, ce roman explore notre époque, ses engouements et ses passades, ses doutes, voire ses peurs, avec lucidité.

Alors, oui, c’est enlevé, drôle, piquant, Isabelle  a le sens de la formule, mais pas gratuitement : on se laisse embarquer dans cette histoire un peu loufoque, on est touché et on ne le regrette pas.

Evelyne Sagnes

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