Merci à Olivier Liron pour le texte qu’il nous offre.
Olivier Liron est né en 1987. Normalien et agrégé d’espagnol, il enseigne la littérature comparée à l’université Paris 3-Sorbonne Nouvelle avant de se consacrer à l’écriture et au théâtre. Il se forme en parallèle à l’interprétation et à la danse contemporaine à l’École du Jeu et au cours Cochet. Son premier roman, Danse d’atomes d’or, est publié en 2016 chez Alma Éditeur. Il est également l’auteur de pièces de théâtre, de scénarios pour le cinéma et de fictions sonores pour le Centre Pompidou. En 2017, il adapte son roman Danse d’atomes d’or pour le cinéma dans le cadre de la promotion « Adaptation de romans » de la Fémis. En 2018, il crée le spectacle La vraie vie d’Olivier Liron (voir vidéo en fin d’article) Son deuxième roman, Einstein, le sexe et moi, est paru en 2018 chez Alma Éditeur.
Réminiscences…
Mésanges gardiens
Longtemps, je me suis levé de bonne heure.
Le matin, je ne veux pas sortir de mon lit et je me pelotonne dans la couette chaude. Je pense dans ma tête : « Je compte jusqu’à dix et je me lève ! » Je commence à compter : 1, 2, 3… En général, je me rendors avant d’arriver jusqu’à huit. Quand je suis enfin réveillé, je quitte à regret mon lit douillet. J’enfile ma robe de chambre bleu ciel et je descends dans la cuisine.
Je fais chauffer du lait et verse le chocolat en poudre. Je le regarde se mélanger. Cela forme les contours d’une galaxie toujours recommencée. Je fais ruisseler le miel en immenses cascades dorées et iridescentes au-dessus des biscottes. Je rajoute des fleuves impassibles de beurre et de confiture.
Sur la margelle de la fenêtre, une petite mésange bleue vient picorer la margarine. C’est mon amie Angela. Ou Angelo. Je l’appelle Angela ou Angelo car les mésanges sont des anges, cela peut être des filles ou des garçons. Je m’approche tout doucement pour ne pas la faire fuir. La petite tache bleue sur la tête d’Angela ou Angelo contient tout le bleu du ciel et de l’océan. C’est la plus belle créature de l’univers. Mes anges et moi, on se régale ensemble.
Pour le goûter, je prends mon Nesquik glacé que je sirote avec la petite paille bleue. Ou je chaparde un Prince que j’ouvre délicatement pour lécher le chocolat entre les deux biscuits. Un jour, j’ai goûté à la boulangerie un mets fabuleux qui a pour nom le pain aux raisins. C’est une galaxie en forme d’escargot. Je le mange en partant du bord de la spirale pour arriver jusqu’au centre de l’univers.
Se remet-on un jour du cruel paradis où la vie nous place dans l’enfance ?
Un aperçu de son spectacle La vraie vie d’Olivier Liron
Oh! Comme c’est mignon. On vous voit lécher le Prince… Euh le chocolat.
Cela me rappelle l’internat les dimanches soir. On papotait entre grandes de terminale, Notre passe-temps favori, tout en grignotant, suçant, gourmandant (pourquoi pas! J’ai l’droit, hein, d’utiliser le mot comme je veux!) , Liliane, elle, n’en finissait pas de croquer du bout des incisives chaque petite dentelle d’un Petit-Beurre LU. J’étais fascinée. Ça durait, ça durait. C’était… juste avant que Cohn Bendit nargue un flic. Vous voyez la photo? Vous situez l’année?
Nesquik, ça existe encore? J’avais 14/15 ans quand je l’ai découvert. C’était en…Fin de la guerre d’Algérie.
Le pain aux raisins. Il est rigolo ce mot. Ici, on dit un schneck. Un escargot, quoi! Ici? C’est le Grand Est.
En ce temps là, on avait des robes de chambre? Comme Léautaud? Vous, vous n’aviez ni chat, ni guenon. Vous aviez une mésange. Vous écriviez des poèmes à Lou?
Nietzsche disait que nous courons toujours après les jours heureux de notre enfance « parce que ces jours-là étaient insouciants, des jours sans soucis, avant que nous soyons plombés par des souvenirs lourds et douloureux, par les débris du passé. »*