La lecture d’Igolène
Parution le 19 août 2022 – Voir aussi la présentation par l’éditeur Seuil.
C’est l’histoire de la dissolution d’une « famille bien ». Les Simart-Duteil sont une famille « sans faute » : le père est ingénieur , il construit des autoroutes dans le monde entier ; la mère est au foyer ; les trois enfants sont beaux et brillants ; la famille est soudée ; on vit dans un pavillon chic de la banlieue parisienne à Créteil, dans la maison qui a la tourelle que tout le monde envie ; la maison de Normandie rassemble tout le monde pour les vacances et les événements familiaux ; tout le monde réussit tout ; on est riche et heureux chez les Simart-Duteil. Et puis voilà que patatras, Claude, le père, meurt, et l’on découvre dans ses affaires personnelles la photo qui fait tout chavirer : Claude est aux côtés d’une femme, Chadia, et dans ses bras un bébé, Feras, avec pour légende « Claude, Chadia, Feras, Damas 1988 ». Chez les Simart-Duteil on savait seulement que Claude avait une activité professionnelle importante dans tous les pays du Moyen Orient, où il allait dont très souvent… Pour affaires. Aujourd’hui, Claude, c’est clair, avait deux familles.
À l’heure de la découverte, Feras est adulte et annonce à ses trois demi-frères et sœur son arrivée en France. Laquelle arrivée coïncide exactement avec l’attentat du Bataclan. Panique absolue : cette coïncidence ne peut pas être le fruit du hasard, et d’ailleurs, Feras a des complices dans le cercle professionnel et rapproché des Simart-Duteil.
Le récit décrit avec une précision absolue le dispositif d’auto-défense que les Simart-Duteil édifient, autour du cercle familial, pour se mettre à l’abri de la puissance destructrice cet autre, étranger dangereux. Désormais un seul objectif pour eux : empêcher l’Autre de nuire, car cet Autre ne peut avoir qu’une seule visée, destructrice. Barrières et outils sécuritaires s’accumulent tout au long du récit. Et l’on sent bien que tout va continuer quand on aura fermé le livre !
La narration est donnée dans une langue moderne et sans emphase. Sans mots qui dramatisent le récit fait vivre la montée de la panique et l’absurdité redoutable des moyens que les Simart-Duteil développent et accumulent.
Une histoire hélas peut-être banale, tant il doit y avoir de Simart-Duteil.
Un livre qui parle tout simplement de la société qui est la nôtre, de nous. Et c’est là la grande « leçon » que donne l’auteure. Une leçon terrible tellement elle est lucide.