L’avis d’Igolène (de Manosque) et une vidéo : « Portrait d’Erri De Luca en artiste européen »
C’est un récit polyphonique dont toutes les partitions sont dites par la même personne, cet homme qui parle sur le mode du « je », même s’il ne se nomme pas. Cet homme, qui se dit « artisan sculpteur », embarque le lecteur dans une histoire d’une création qui n’est pas banale : il ne s’agit pas moins que de redonner à un Christ en croix, une croix de marbre, son état premier en le débarrassant d’un pagne dont sa « nature » a été recouverte a posteriori.
Ce n’est pas le chemin de l’art qui a conduit cet homme à cette tâche. C’est l’autre versant de sa personnalité, son rôle de passeur pour des migrants clandestins. Une fonction qu’il a exercée hors des normes, jusqu’à devoir s’écarter, aller lui-même ailleurs, dans cette sacristie où l’a conduit le hasard qui fait de lui l’homme qui va rendre à la « nature » de ce Christ son « exposition ».
Le récit fait bien sûr dialoguer le passeur et l’artisan. Mais entre eux, ou avec eux, il y a ce Christ, qui n’est pas tout à fait n’importe quel condamné à mort, même si le sculpteur à imprimé à ce corps les marques que la mort impose à tout corps d’homme.
Les textes sacrés ne sont pas loin. Le prêtre, l’évêque, le rabbin sont là. Et la religion façonne les sociétés depuis que le monde existe
Mais la vie de tous les jours n’est pas effacée, pas plus que la frontière qui est à l’origine de cette histoire. Il y a tout le petit peuple de la pension où le récitant a échoué, la femme, l’amour, la sculpture qui absorbe toute l’énergie jusqu’au moment où le travail est Fini.
Le récit, lui, pourrait ne jamais finir. C’ est aussi là la grandeur de ce livre intense, qui parle de la vie, de la mort, de Dieu, des hommes, du pardon….Sans jamais donner la réponse ni la solution. La seule affirmation, c’est la dernière phrase qui la donne….FIN.
Traduit de l’italien par Danièle Valin Gallimard – Du monde entier 2017