Atelier d’écriture proposé à une classe de CAP.
Avec Afefe Ourahou, professeur de Français et Guillemette Faure, professeur documentaliste.
Comment s’est déroulé l’atelier
Marie Cosnay leur a présenté des livres écrits par des jeunes qui ont suivi les routes migratoires, et qui racontent leur périple. Elle s’occupe d’une collection « Ces récits qui viennent », et publie leurs textes.
L’occasion de parler aux adolescents de ce qu’est l’exil, des raisons qui poussent au départ, des terribles souffrances endurées, souvent pendant des années.
Elle a invité les élèves à eux-mêmes faire le récit d’un « secret » douloureux, d’un événement qui les avait profondément marqués et qu’ils conservaient dans leur mémoire, intimement lié à leur vie. Commencé avec Marie au lycée, l’atelier s’est poursuivi à distance avec l’envoi et les retours de Marie sur les textes proposés par les élèves.
Il devait y avoir en effet deux journées d’ateliers. Une seule a pu avoir lieu (pour des circonstances extérieures).
Voici donc les textes. D’une grande force. Les jeunes ont souhaité gardé l’anonymat.
Récit
Ce texte est FAUX :
Hier, j’ai déménagé dans un endroit étrange où les enfants ne peuvent pas s’exprimer. Les jeunes filles comme moi âgées de 15ans étaient souvent des esclaves de la famille. On ne pouvait jamais sortir de chez nous et on ne pouvait jamais s’exprimer. On était dix enfants à dormir dans une chambre pour deux. Dans ma famille, il y avait trois clans : les vieux qui ne faisaient rien de la journée, les jeunes qui travaillaient et les enfants qui eux devaient faire tout ce qu’on leur disait sans se plaindre. Ma famille me donnait un bol de riz par jour. Quand je regarde mes frères et sœurs, je vois toute la misère qui nous pèse dessus. Quand je regarde par la seule fenêtre de la maison, je vois des enfants joyeux qui jouent dehors. Tous les jours, je pense à partir mais est-ce qu’un jour j’aurais le courage ?
à suivre…
Je m’appelle M. Je n’ai jamais connu ma sœur avant que je sois née. Elle frappait ma mère et lui faisait des mauvais coups, elle frappait également ma sœur ainée. Elles étaient dans le même lycée et cette sœur la harcelait. Cette sœur disait à ma mère que je serai « une pute, une trisomique ». Elle en voulait à mon père d’avoir refait sa vie, elle ne voulait plus lui parler.Mon ressenti est que cela m’embête de ne pas l’avoir connue car elle reste ma sœur. J’aimerais tellement la voir mais après tout ce qu’elle a fait, c’est compliqué.Après, on n’en parle pas avec ma famille parce que mon père n’est pas bien et moi de le voir comme ça, j’ai envie de pleurer. Il me fait de la peine.
Mon récit, mon histoire :
« Mes yeux ont vu ce qui dépasse mon âge »
Mes parents me disaient souvent que je comprendrais mieux quand je serai plus grande, en parlant de l’autisme de mon frère. J’ai un frère jumeau qui est autiste mais c’est une forme d’autisme qui ne se voit pas comme dans certains cas. Ça se rapproche plus d’un trouble du comportement. Ils me disaient cela car je ne comprenais pas pourquoi, ils lui portaient plus d’attention qu’à moi. Ça a été très dur pour mes parents, car mon frère était un élève perturbateur, parfois la maitresse convoquait ma mère pour lui dire ce qui se passait en lui disant même que c’était une mauvaise mère. Ma mère et mon père ont su surmonter toutes ces épreuves et ils en sont sortis encore plus forts. Quand j’étais petite, je le vivais mal, d’ailleurs quand on en parle maintenant, je peux me mettre à pleurer. Maintenant j’ai compris, et je ne le vis plus mal parce que je sais que mes parents ont tout fait pour nous donner le même amour. J’en voulais beaucoup à mon frère mais je l’aime même s’il est très énervant. On n’a pas la même complicité que tous les jumeaux et j’avoue que je voudrais parfois avoir cette même complicité. Mais depuis que je suis en internat, on s’est rapprochés et j’en suis contente.
Mon histoire.
Je m’appelle G. et je suis né le 03 01 2007 . Tout a commencé quand j’ai eu une maladie de la peau qui concerne la mélanine, le vitiligo. Cela est apparu autour d’un grain de beauté et ça a évolué sur tout mon corps.
Puis, pour ne pas gâcher la fête, j’ai été harcelé à cause de ça. On m’insultait, on me traitait de grosse vache car j’étais un peu enrobé. Toute la primaire, j’étais harcelé. Quand je suis arrivé au collège, j’étais un enfant trop efféminé pour un garçon, je me suis fait harceler en 5ème car je commençais à m’assumer et en 4ème aussi.
En 3ème, je suis rentré dans un lycée pro où personne ne me connaissait donc je pouvais m’assumer pleinement et fièrement. Je vis une situation compliquée mais je refuse d’en parler.
Je m’appelle E. Quand j’étais petite vers 11 mois, mon père nous a abandonnés ma mère et moi. J’ai ressenti un vide, je pensais ne jamais réussir dans ma vie. Je n’ai jamais connu mon père, je suis déçue de son comportement car il ne m’a pas assumée. J’aurais bien aimé le connaitre, passer du temps avec lui, rigoler avec lui, manger avec lui.
Maintenant, il fait sa vie avec une autre femme et avec ses enfants, ça me fait du mal de voir tout ça car je me dis que ça aurait pu être nous ! Toute ma vie, je ressentirai un vide. Lorsque quelqu’un prend soin de moi, je m’attache très vite, j’essaie de remplir ce vide avec d’autres personnes comme avec mon ex. Quand on s’est quittés, j’étais au plus bas, je l’aurais aimé toute ma vie. Je fais beaucoup de bêtises, je regrette des choses.
J’ai appris qu’il ne faut plus s’attacher aux gens, que je dois rester solide et sans cœur.
Mon histoire…
Je m’appelle C. et je suis née le 20 septembre 2006. Dès ma naissance, j’ai vécu dans une maison qui a été construite par mon papi. Dans cette maison, je vivais avec ma mère, mon père et mon frère qui avait 4 ans, j’avais une très belle vie avec ma famille. Mais malheureusement, tout a dégénéré lors d’une dispute entre mon père et ma mère. Alors que j’étais âgée de 4 ans, mon père a commencé à frapper ma mère violemment. Quand je rentrais de l’école avec mon frère, ma mère nous demandait de monter dans nos chambres et de nous occuper, j’étais une fille très curieuse donc je sortais de ma chambre et passais ma tête entre les escaliers, je voyais tout ce qui se passer… Il frappait ma mère, lui donner des coups de pieds, et des coups de poing, il la tirait par les cheveux et la faisait dormir dans la voiture. Je suis retournée dans ma chambre et j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Je suis allée voir mon frère qui lui avait 8 ans, je lui ai tout raconter de ce que je venais de voir, il m’a dit que ça allait s’arranger et qu’il ne fallait pas que je m’inquiète. Ça a duré de longues années et même empirer. Quand j’ai eu 6 ans, ma mère a quitté mon père et elle est retournée vivre chez sa mère, mon frère et moi nous sommes restés chez notre père. J’avais un chien qui s’appelait Zizou, quelques mois plus tard, après avoir eu mon chien, mon père a commencé à s’en prendre à mon frère, mon chien et à moi. Mon père frappait mon frère qui avait 10 ans, l’insultait, et le rabaissait… Je me rappelle un jour où mon frère était malade et il avait vomis sur le sol de la maison, et mon père lui a fait ravaler son vomi. Mon frère en a parlé à ma mère et il est parti vivre avec ma mère. Dans la maison, il ne restait plus que mon père, mon chien et moi. Je restais moins chez mon père, j’étais en garde alternée. Un jour, je retourne chez mon père toute contente de retrouver mon chien mais quand je suis arrivée, il n’était pas là, donc je demande à mon père où est mon chien et il me dit qu’il est passé par le portail et s’est enfui. J’avais perdu la seule chose qui me rendait heureuse, pendant ses deux semaines chez mon père, j’ai vécu l’enfer. Il me frappait à coup de poing, me frappait avec un bâton en fer, m’arrachait les cheveux, il m’a dit droit dans les yeux « tu vois ton connard de chien, je l’ai tué, il me cassait les couilles ». J’étais dévastée, j’étais en sang et j’ai cru que j’allais mourir…
Plus tard il rencontre une nouvelle copine qui vient vivre chez nous c’était comme cendrillon et la méchante belle-mère. Je n’avais ni chambre ni jouets tout ce que j’avais était à la fille de sa copine, elle dormait dans ma chambre et moi dans le fauteuil, le matin je devais me lever pour faire le ménage et préparer le petit déjeuner pour mon père, sa copine et sa fille. J’avais 8 ans, et j’ai décidé de partir vivre avec ma mère et mon frère. J’ai dû passer devant le juge pour qu’il me laisse avec ma mère et mon frère.
Maintenant j’ai 16 ans, je vis avec ma mère et mon frère et ça va bientôt faire 10 ans que je ne n’ai pas vu mon père. Sur mon corps, j’ai encore des séquelles de ce qu’il m’a fait pendant ces années et j’ai eu un traumatisme qui grâce à ma mère est parti mais dans ma tête les images sont encore là….
MON HISTOIRE
« Souvent on se dit: quand je deviendrais grand, je me vengerais.»
Mon récit se déroule à la fin de mon année de 2nd. C’est le début de l’été, le soleil brille et le ciel est bleu.
Pour commencer, je m’appelle Aria et je viens d’avoir seize ans.
Cette fameuse année ou l’on s’assume , où l’on se sent libre et épanoui. Enfin c’est ce qu’on raconte dans les séries à la noix . Ma vie a même commencé à empirer à partir de ce moment-là . Ma mère est décédée quelques temps avant mon anniversaire d’un accident de voiture. Oui comme je l’avais dit mon début d’été n’était pas comme dans les séries. J’avais le cœur brisé par sa mort , mais mon père l’était encore plus. Il était dévasté.
La souffrance régnait dans la maison. Mais c’est à partir de ce moment que mon père a encore plus gâché mon été.
Il ne me laissait plus sortir, m’enfermait à clé dans ma chambre par peur de me perdre à mon tour.
Mais ça ne pouvait pas être une excuse pour m’enfermer ne me laissant à peine aller faire un tour à la mer.
Mais après vingt jours enfermée dans le noir , je pris la décision de m’enfuir par la fenêtre de ma chambre et je reviendrais à la premier l’heure du jour. Alors je sortis par la fenêtre. J’ai pu ressentir le doux souffle du vent à nouveau et revoir la lumière du jour qui m’éblouit.
J’ai couru vers la mer et j’ai passé des heures à reprendre goût à la vie.
Arrivé au lever du soleil , je n’ai pas eu le courage d’y retourner.
Mon histoire
Je m’appelle J., j’ai commencé mon année de seconde en pâtisserie au CFA à Digne, ça ne plaisait pas du tout, mon patron me parlait très mal, il était violent verbalement donc au bout de 2 mois, j’ai décidé de quitter le CFA et l’entreprise. J’ai beaucoup réfléchi à ce que je voulais vraiment faire et j’ai trouvé la coiffure. Le 23 novembre, le jour de mon anniversaire, je suis entré au lycée des métiers BDR. Au début, J’étais très timide mais j’ai été très vite intégré dans la classe.
Et, j’ai fait la rencontre d’O., une très jolie fille, nous avons commencé à nous fréquenter de plus en plus.
Un jour, nous étions aux toilettes du lycée d’en face avec des amis, C et N, O et moi, nous nous sommes embrassés . Depuis ce jour, nous somme inséparables, je connais sa famille et elle ne connaît que mes parents et mon frère car j’ai une famille qui ne s’aime pas vraiment. Ma mère ne parle plus à sa mère, mon père ne parle plus à ses frères et mon frère ne parle plus avec son père.
Depuis la 5ème, je me fais harceler au sujet de mon nez car il est gros, et ma personne en fait. Cela s’est arrêté en fin 3ème. Depuis ma séparation avec mon ex, elle dit à tout le monde que je suis un violeur car nous l’avons fait mais ça ne s’est pas passé comme elle voulait. Depuis ce jour, tous les gens de ma région m’en parlent et me croient quand je dis que je n’ai rien fait.
Mon histoire
Un jour, je me promenais dans une ville qui se situe à Nice, je marchais, puis je suis tombée sur une jeune fille.
Cette jeune fille avait l’air très heureuse mais ça se voyait qu’elle avait vécu quelque chose qui l’avait marqué, je suis donc allée la voir, puis on a fait connaissance.
Petit à petit, on restait de plus en plus ensemble puis on se racontait nos vies, le côté positif comme négatif.
Elle m’a donc confié ce qu’il s’était réellement passé, elle m’a dit son histoire et ce qu’elle ressentait.
« je sais que ça peut paraître improbable, j’étais jeune donc ce ne sont que des paroles d’enfants.
Tout a commencé quand j’étais en cm1, j’avais rencontré un jeune garçon, il avait un ans de plus que moi, il était donc en cm2.
On s’est rapprochés puis ça a duré jusqu’en 4ème.
En 6ème, il a commencé à changer ses habitudes, à être plus méchant qu’avant, il était plus violent dans ses actes et ses paroles.
En entrant plus dans les détails, il me prenait par les cheveux en m’insultant et en me disant de faire des choses ou encore il ne se gênait pas de me donner des coups au visage ou encore dans le ventre et sur les bras et les cuisses, il me rabaissait, me parlait comme une bonne à rien, il m’humiliait devant beaucoup de personnes, la plupart du temps c’était en bas de la cour cacher des surveillants du collège, là où tous les 3ème restaient.
Il se plaçait ici pour montrer à tout le monde comment il traitait sa petite amie, et il en était fier mais personne ne disait rien, ils rigolaient tous…
Je ne pouvais pas me défendre face à lui, si j’avais le malheur d’essayer c’était encore pire.
Jusqu’au jour où mon papa l’a appris, il a fait le nécessaire pour que ça ne se reproduise plus, depuis ce jour-là, ça ne l’a pas empêché d’essayer de revenir vers moi en me disant qu’il reconnaissait ses torts et qu’il regrettait, que ça n’arriverait plus, mais je suis toujours restée sur ma décision pour la première fois de ma vie, j’ai réussi à lui dire non, je m’étais donc promis de plus jamais parler ou avoir quelque chose avec un garçon.
Puis un jour j’ai été acceptée en 3ème dans un lycée professionnel à Digne les bains, j’ai fait plusieurs filières pour savoir où j’allais aller l’année prochaine.
Je suis donc allée en coiffure, le 24novembre 2022, un garçon est arrivé dans la filière où j’étais.
Puis on s’est rapprochés sans même s’en rendre compte, c’était pas fait exprès.
Aujourd’hui, j’ai 15ans, je vais bientôt avoir 16ans et ça fait 4mois qu’on est ensemble.
Bibilographie
Quelques textes écrits par des jeunes migrants, au présent, publiés aux éditions Dacres, collection « Ces récits qui viennent », sous la direction de Marie Cosnay. :
Un sur mille, Fadiga
Chez moi ou presque Ngatcheu
Sur le chemin de ses rêves, Toukam junior
Les héros du quotidien, Kameroun.