Samantha Barendson / Virgule

Une lecture de Patricia Bouchet.

Virgule, éditions l’Attente, 2023

Virgule est un cri d’amour suspendu.

Coma en espagnol signifie également virgule. En effet, tout commence par un choc, par un corps projeté dans les airs. Léonard, ami de la narratrice se retrouve plongé dans le coma, suite à un accident. Tout est alors suspendu à l’hypothétique réveil de l’ami « endormi ». Cette présence absente. Le temps ne s’arrête pas, puisque l’entourage va continuer à vivre mais ce temps prend un autre mouvement. Les visites quotidiennes, près de lui, de cette narratrice. Commence alors un long monologue à l’adresse de celui qui dort.
Lui comme endormi,
Elle toujours dans la Vie.
Dans ce corps endormi, où est-il ? Que fait-il ? Elle s’interroge. Elle oscille entre souvenirs et gestion de ses craintes, de ses peurs et de cette attente incertaine qui s’installe. Au début, l’approche, puis l’habitude des visites, comme pour faire perdurer le lien. Refaire le chemin, le film de leurs souvenirs, leur rencontre, leur amitié. Attraper le fil ténu de cette vie suspendue et parler, continuer à parler. Parler de lui, et s’interroger. Parler de sa vie, à lui, de son amoureux à lui, de leur amitié, à eux.

Malgré le choc, la peur, la tristesse, la colère qui traversent la narratrice, l’auteure nous verse là de sublimes pages sur l’amitié. Au-delà de cette vie suspendue, c’est un roman sur L’Amitié, l’Amour, la sexualité, la pulsion de vie, sur LA VIE.
Ce roman interroge sur la fragilité du lien subtil à l’autre, sur le sens de l’existence « ce qu’on aurait dû faire » « ce qu’on a fait ». On se souvient, on rit, on a peur, un peu, juste pour passer le temps, auprès de lui. La fin du roman est ouverte, incertaine et originale. Un rebond au récit où le lecteur est ainsi détenteur de l’issue.

On retrouve dans ces pages, la verve de Samantha Barendson. Autour d’anecdotes retrouvées par la narratrice, Samantha a l’art de tapisser le chagrin avec des situations cocasses parfois drôles et elle conclut toujours ses chapitres par un uppercut touchant de mots, d’émotions, d’interrogations. Elle manie l’équilibre dans sa forme narrative. Doser la vie qui continue malgré tout et les peurs intrinsèques liées à la perte, le chagrin qu’elle repousse à chaque page. Elle maintient la narratrice dans l’espoir et rien n’est « pathos » dans ce récit. Bien au contraire.

La vie, c’est se souvenir, sourire, rire, du passé, du présent et d’un futur incertain. Chaque chapitre commence soit par un article de loi, de médecine, règles d’un jeu, règlement et le dernier, par une définition, comme si l’attente de la narratrice devait être cadrée, encadrée, pour ne pas …

À noter également, la mise en page, avec de larges espaces blancs à la suite de paragraphes courts, comme pour signifier l’attente et le silence.

Samantha est poète, romancière, performeuse. Son écriture a du rythme. interrogée à ce sujet , elle me répond  :
« J’écris à voix haute pour que le texte emporte le lecteur dans un flux »
L’attente, attendre dans la vie, est-ce quelque chose qui vous est nécessaire, angoissant, ressourçant, est-ce une perte de temps ?
« L’attente, c’est important. Comme l’ennui, des moments calmes pendant lesquels quelque chose se construit .»

Samantha Barendson est une poète française, argentine et italienne née le 16 avril 1976 en Espagne. Elle vit actuellement à Lyon. Elle écrit et propose des lectures aussi bien en français qu’en espagnol ou italien. Son livre Mon citronnier, paru en juin 2014 aux éditions Le pédalo ivre, est une enquête poétique où la poète part à la recherche de son père, Francisco Barendson, décédé alors qu’elle n’avait que deux ans. Elle y décrit « des vides qu’elle cherche à combler au fil des pages, à coup de questions, de réminiscences vagues, de recherches, de rêveries« .
Le 11 mars 2015, Le Prix René Leynaud, nouveau prix de poésie – du nom du poète résistant lyonnais – a été remis à Samantha Barendson, pour son recueil Le citronnier, au centre d’histoire de la résistance et de la déportation de Lyon à l’occasion de la 17e édition lyonnaise du Printemps des Poètes.
Depuis 2016, Samantha Barendson a été sélectionnée par le Printemps des Poètes1 et dans le cadre du projet Versopolis2. Elle est régulièrement invitée dans des festivals internationaux de poésie en Europe mais également hors-Europe3.

© Rogier Maaskant


Bibliographie

50 (avec Estelle Fenzy ), La Boucherie littéraire 2022
Americans don’t walk / Les Américains ne marchent pas (poésie), Le chat polaire, 2021)
Alto mare (poésie), La passe du vent, 2020
Tu m’aimes-tu ? (Poésie), Le chat polaire, 2019, 
Mon citronnier (roman), Éditions Jean-Claude Lattès, 2017
Machine arrière (poésie), La passe du vent, 2016
Le Citronnier (poésie), éditions Le pédalo ivre, 2014
Les Délits du corps/Los delitos del cuerpo (poésie), Christophe Chomant éditeur, 2011
Des coquelicots (poésie), Pré # carré éditeur, 2011, 
Le poème commun (poésie) avec Jean de Breyne, Ed. Lieux-dits, Collection Duos, 2012

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