La lecture de Patricia

Un homme – une femme. Un homme – une femme et des voisines qui cancanent. Un homme et une femme – un ordinateur et un tableau. Triste Boomer est un conte moderne où l’idée de l’amour et du couple se déplie avec l’humour incisif d’Isabelle FLATEN. L’intervention des « objets-miroirs, des personnages donne au roman son originalité.  Objet- narrateur, objet-personnage, narrateur, plusieurs prises de paroles qui dessinent la qualité de l’écriture, donne du rythme et du relief au déroulé de l’histoire

Un prince, homme d’affaires à la carrure solide dont l’ordinateur prend la parole, commente, met en garde et s’insurge sur les envies et les choix de son « propriétaire »

Une princesse, dans sa tour, revendique, impose ses idées. Surveillée par le portrait d’un ancêtre qui se heurte à la vie moderne et compte bien donner son avis sur les décisions qui se préparent.

Salomé, issue d’un milieu pauvre, avait épousé le duc Edmond de Chassaigne de La Ferrière, de cette union naquirent des jumeaux Vladislav et Victoire, surnommés les W. Depuis le décès de son époux, elle vit dans le domaine gérant les choses avec une main de fer. Puis un jour, Salomé reçoit un mail de lui, John. Ancien amant, ils s’étaient connus, jeunes, avaient vécu une idylle puis leurs deux mondes si opposés avait eu raison de leur histoire. Lui, homme d’affaires, sa carrière, ses conquêtes féminines ne l’empêchent guère d’appréhender le monde actuel, la vieillesse, avec inconfort, incertitude.« L’âge est un animal sournois qui prend tout le monde au dépourvu » page 21. Et si … Et si, il revenait vers cet amour passé afin de redonner sens à son existence ?

Tour à tour ces quatre protagonistes vont prendre la parole, donner leur avis, faire des projets. Les deux « objets » luttant pour ne pas être, ou devenir, de vieux amants éconduits. Tout ceci serait le déroulé d’un conte classique si le style et l’humour d’Isabelle FLATEN ne venaient pas épicer le roman.  « Sa mère submergée par une telle féérie étreint si fort sa fille qu’elle en fait craquer les coutures de sa robe » page 37.

C’est un roman, telle une gourmandise, qu’on lit le sourire aux lèvres.

Patricia Bouchet


Isabelle Flaten est née au milieu du siècle dernier à Strasbourg. Elle a été enseignante, très longtemps flemmarde ; jusqu’au jour où décidée à cultiver ses chimères, elle a commencé à écrire. Elle a publié plusieurs romans très remarqués des libraires, dont Adelphe (Prix Erckmann-Chatrian 2019) et La Folie de ma mère au Nouvel Attila. Son œuvre minutieuse s’intéresse aux relations avec l’autre et remet l’altérité sans cesse en question. (Source Le Nouvel Attila)


La parole à l’auteure :

Pourquoi ce tableau d’ancêtre et cet ordinateur ? Que souhaitiez-vous qu’ils apportent au roman ? Sont-ils les miroirs de John et Salomé ? Ils deviennent des personnages à part entière puisqu’ils prennent la parole.

« Pour répondre à votre question, au début du livre, John est un homme dépossédé de ses raisons de vivre qui a le sentiment de compter « pour du beurre », dans un monde qui désormais lui échappe. Je l’ai donc aussi privé de parole pour illustrer mon propos, ne le faire exister qu’au travers du regard des autres. Et notre ordinateur n’est-il pas celui qui nous connait le mieux d’une certaine façon ?

Quant à l’ancêtre, ce réactionnaire acariâtre, il m’a semblé qu’il incarnait parfaitement le thème central de ce roman, à savoir l’obsolescence programmée de chaque génération. »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *