Alessandro Baricco, Soie

Une lecture d’Evelyne Sagnes.

L’écriture d’Alessandro Baricco  parvient en quelques lignes à (im)poser une esthétique et à créer un univers singulier.
Sortilèges de l’écriture, un enchantement qui dure jusqu’à la fin du texte.
Et comme le héros  il nous semble « voir, dessiné sur l’eau, le spectacle léger, et inexplicable, qu’avait été sa vie. »


Des personnages énigmatiques, souvent muets.

Peu de mots pour échanger dans cette histoire, d’autant plus rares que le sujet est important.
Le silence souvent. Mais pas le vide.

Étrangeté des rencontres au Japon où le héros va acheter des vers à soie (c’est son métier) : langue inconnue, scènes mystérieuses à qui ne connaît pas les us et coutumes.

Une femme aperçue au Japon. Qui est-elle vraiment ? Il n’a jamais entendu sa voix.
« C’est une souffrance étrange. »

Un billet glissé au creux de la main, temps suspendu : « Quelques idéogrammes dessinés l’un en dessous de l’autre. Encre noire. »

Une lettre. D’elle ? Des idéogrammes japonais, illisibles donc. « On aurait dit un catalogue d’empreintes de petits oiseaux, dressé avec une méticuleuse folie. C’était surprenant de penser qu’en fait c’étaient des signes, la cendre d’une voix brûlée. »

Histoire d’amour(s) fortes.

Un contexte très réaliste sur le développement de la culture du ver à soie pour un récit onirique. Réalité et fantasme.

Des leitmotivs, ancrages et balises, pour un récit qui s’échappe. hors des limites du réel. Comme un conte.

Et la soie, la soie, précieuse car source de revenus et en même temps matière sensuelle,  douceur de l’étoffe sur la peau, érotisme délicat.

Sans explications ni décryptages, un récit livré à l’imagination du lecteur.

Sortilèges de l’écriture, un enchantement qui dure jusqu’à la fin du texte.
Et comme le héros  il nous semble « voir, dessiné sur l’eau, le spectacle léger, et inexplicable, qu’avait été sa vie. »


La première page

« Bien que son père eût imaginé pour lui un brillant avenir dans l’armée, Hervé Joncour avait fini par gagner sa vie grâce à une profession insolite, à laquelle n’étaient pas étrangers, par une singulière ironie, des traits à ce point aimables qu’ils trahissaient une vague inflexion féminine.
Pour vivre, Hervé Joncour achetait et vendait des vers à soie.

On était en 1861. Flaubert écrivait Salammbô, l’éclairage électrique n’était encore qu’une hypothèse et Abraham Linncoln, de l’autre côté de l’Océan, livrait une guerre dont il ne verrait pas la fin.

Hervé Joncour avait trente-deux ans.

Il achetait, et il vendait.
Des vers à soie. »


Alessandro Baricco, Soie, traduit de l’italien par Françoise Brun. (1996 en Italie, 1997) Folio.

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